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06.04.2012

Le tour du monde en vélo

Et si c’était le vent ? Oui, pourquoi pas le vent. Celui que j’entendais siffler le soir dans ma piaule du 6ème étage d’Ozanam ancien. Et que j’enviais. Je l’enviais de pouvoir ainsi défier l’espace, se jouer des limites que donnent parfois les murs à nos mouvements et à notre imagination. Oui je l’enviais le soir dans ma piaule, après une journée passée entre 4 murs.

C’est donc peut-être le vent qui le premier, m’a poussé à exprimer cette envie d’espace, de voyage, d’inconnu, de liberté. Et ce sont peut-être les vieux murs de Stanislas qui m’ont aidé à planter si profond en moi cette graine du voyage. Si profond, que rien par la suite n’a pu la déloger. Cette graine je l’ai mise dans mon jardin secret et je l’ai choyée. Avec elle j’ai traversé mes études puis mon premier travail. J’ai ensuite trouvé une femme à qui j’ai ouvert mon jardin et je lui ai dit : « Regarde cette graine, elle est pleine d’envies et d’espoir. Cela fait si longtemps que j’en prends soin ! Si je la plante je veux partager le plaisir de la voir germer, puis fleurir et donner des fruits. Souhaites-tu la planter avec moi ? ». Elle a dit oui.
Et c’est alors que, magie du partage, cette graine a germé d’une façon que je n’aurai pas pu imaginer seul. Je voyais un voyage sac à dos de six mois et finalement c’est un tour du monde à vélo couché qui a germé. Surprise, craintes, joie, anxiété… les sentiments se sont emmêlés et tout s’est enchainé !

Mariage, préparation de l’itinéraire puis du départ… sans presque s’en rendre compte nous voici, à deux, entourés de ceux que l’on aime, devant Notre Dame de Paris, un an jour pour jour après notre mariage. Départ pour la France, pays rêvé pour les cyclistes béotiens que nous sommes, Rocamadour nous enchante, les paysages de Dordogne puis finalement le canal du midi et les Pyrénées près de Banyuls… derniers souvenirs ensoleillés de notre pays. Nous embarquons ensuite de Barcelone, direction Tanger la blanche, point de départ d’un mois à vélo à travers le moyen Atlas puis l’Atlas jusqu’aux dunes de Merzouga. Au Maroc les contacts sont nombreux, parfois durs, souvent chaleureux, toujours un peu rêches au début, tout se mérite ! Finalement ce sont le charme des médinas et les paysages changeant de montagne en désert puis en palmeraies que nous retenons de ce pays. Nos premières joies sont à la hauteur des premières difficultés que nous rencontrons tant dans les aspects pratiques (barrière de la langue, nourriture, pédalage sous le soleil, froid de la nuit) que dans nos relations : difficile de vivre à deux 24h/24 lorsqu’à Paris nous passions notre temps à nous croiser ! Mais tous ces ajustements deviennent vite l’occasion de mieux se comprendre et de mieux se connaître en vérité.

Ensuite c’est en traversant le Bénin, le Burkina Faso, le Mali et le Sénégal que nous rentrons dans « le vif du sujet ». Ici toute joie est joie profonde et les éclats de rire vont bon train lorsque nous arrivons avec nos drôles de vélos dans des villages de brousse ! L’accueil est souvent simple mais les portes sont toujours ouvertes ! Nous découvrons des pays où la pauvreté est partout et où les éléments sont durs : terre sèche, absence d’eau et de végétation. La nourriture se fait parfois rare mais nous trouverons toujours une assiette de riz sauce arachide – recette miracle qui me fera perdre jusqu’à 13kg ! L’accueil réconfortant des prêtres dans les nombreux presbytères rencontrés a soutenu notre moral durant ces 2 mois. Quel plaisir de discuter politique ou société le soir avec ces érudits souvent perdus dans une population qui ne parle pas toujours leur langue ! Nous gardons contact avec eux plus d’un an après ! Finalement, nous repartirons de Dakar en gardant en tête l’image d’ une route de latérite rouge bordée de savane sèche d’où sort un vélo bleu chargé d’une machette et d’un poulet, qui fait quelques mètres à nos côtés avant de rejoindre une cahute on ne sait trop où.

Un peu sonnés par un voyage qui nous a fait traverser le monde, nous reprenons nos vélos à El Calafate en Patagonie Argentine, d’où nous commençons la remontée qui nous emmènera au Pérou, à Lima et nous enchantera. La Patagonie, c’est simplement superbe, Anne me dira « Hadrien, fais attention dans les carnets de bord tu passes ton temps à écrire « on se régale ! », c’est vrai mais change de disque ! ». Et pourtant que dire d’autre ? Notre mois passé sur la carretera austral, bout de 1500km de piste coincé entre la mer et un lac au sud du Chili, est le meilleur souvenir du voyage. Après l’Afrique nous apprécions l’omniprésence de l’eau que nous buvons à même le ruisseau et les paysage de glaciers coulant en cascade des montagnes pour alimenter de délicieuses rivières entourées de vertes forêts de pin ! La route est chaotique, raide, souvent nous poussons mais tout cela s’oublie vite devant le spectacle sans cesse changeant de la nature !

Un ami de Stanislas nous rejoint dans le nord de l’Argentine pour 2 semaines de vélo à nos côtés, avec lui, nous pédalerons dans les champs de canne à sucre, dans la forêt tropicale, dans les vignes, sur l’altiplano, sur un désert de sel, nous passerons même un col à 4170m... en 10 jours de vélo ! Souvenirs impérissables de moments magiques vécus à trois ! De la Bolivie nous ne verrons que l’altiplano et le Salar d’Uyuni, un sentiment de trop peu nous submerge lorsque nous rejoignons le Parc national Lauca au Chili. Bien vite la proximité des volcans, des sources d’eau chaude et des vigognes, compagnes de route, nous font oublier tout cela et c’est tête baissée que nous attaquons un col à 4700m ! La nuit qui suit verra de la glace se former sur nos duvets, sous la tente ! Finalement notre épopée andine prendra fin au Pérou, pays magique riche de nature et de culture ! Nous prendrons autant de plaisir à nous faire balayer par les vents froids des sommets andins qu’à pédaler dans la chaleur moite de l’Amazonie au milieu des plantations de coca. Et les étapes à Cuzco et Arequipa nous permettent de découvrir une architecture espagnole aussi pleine de charme que sa construction en ces lieux a du faire couler de sang et de larmes. Avec regrets nous quitterons l’Amérique latine qui nous a tant enchanté, nous nous promettons d’y revenir… et pourquoi pas d’y vivre !

Mais pour l’heure nous sommes attendus au Cambodge, une fois de plus à l’autre bout du monde ! Dans ce petit pays plat nous découvrons le charme de l’Asie. Nos compagnons de route sont à nouveau cyclistes, parfois des buffles souvent des enfants curieux. Nous nous émerveillons devant les temples d’Angkor aux bas-reliefs si fins, si énigmatiques. L’ambiance est presque féérique quand, au milieu des ruines couvertes de végétations, passent des moines vêtus de leur toge orange, le jeu des couleurs révèle l’âme des lieux.

De la Thaïlande nous ne retiendrons que quelques belles rencontres, un confort matériel (et culinaire) retrouvé ainsi que d’interminables rizières… il nous semble que l’authentique a disparu de ce pays développé à la population pourtant si accueillante. En passant le pont de l’amitié vers le Laos, nous ne pensions pas changer de monde… Et pourtant ici les drapeaux communistes flottent bien haut et la population souffre de la faim alors que les voitures de luxe défilent dans les rues de Vientiane. L’ambiance est cependant agréable, tranquille comme le cours du Mékong. Nous préférerons à la capitale la beauté des falaises karstiques autour de Vang Vieng et l’indéniable charme de la vieille ville coloniale de Luang Prabang.

Dès la frontière chinoise passée, tout change à nouveau. Les montagnes sont désormais couvertes de plantations de thé et d’hévéa. Le riz pousse en terrasses à perte de vue, les villages sont sales, les gens souriant, parfois. Devant l’immensité du pays, nous nous replions sur le train et durant les 3 jours que nous passons assis, nous réalisons que nous quittons pour de bon l’Asie verdoyante pour les steppes et le désert. Nous rejoignons ainsi la route de la soie à Kashgar ville carrefour où les chinois de la côte ouest essaient tant bien que mal d’imposer leur matérialisme communiste à une population ouighour riche d’une spiritualité orientale, tout un symbole.

Le Kirghizstan est désormais à portée de pédale. Nous n’imaginions pas la beauté de cette route de désert au milieu de montagnes de toutes les couleurs. Nous longeons ensuite les contreforts de la chaîne du Pamir, pédaler et dormir 3 jours durant face à ces sommets enneigés est un émerveillement constant ! La route et le climat sont rudes mais l’accès au Kirghizstan, pays de montagne et d’eau, est à ce prix. Sur les routes nous côtoyons désormais les pasteurs nomades qui descendent leurs troupeaux des montagnes et les grandes étendues sont ponctuées de yourtes, taches blanches qui font échos aux sommets enneigés. Le Kirghizstan restera une de nos plus belles étapes… et la dernière !

Vous souvenez-vous de la graine dont je parlais ? Elle germe en nous, fleurit en voyage et… donne des fruits qu’Anne porte aujourd’hui ! C’est donc une « happy-end » que nous vivons après 14 mois d’aventure De ce périple ne gardons-nous que de bons souvenirs ? Oui, sans aucun doute. Mais c’est parce que nous avons su tirer un enseignement de chaque épreuve.
A refaire ? Oui, mais pas tout de suite, une nouvelle aventure nous attend !



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