(3/5) Le grand roman de Malègue :
Augustin ou le maître est là

Par le Père Guillaume de Menthière, Curé de la paroisse Saint Jean-Baptiste de la Salle.
Le roman fleuve dont la conception occupa près de vingt ans son auteur s’ouvre par une dédicace en latin « Hoc tibi opus adscriptum cuius opera scriptum sorori sponsa (Cette œuvre t’est dédiée à toi, ma sœur, mon épouse qui te dédias à son écriture) » Il était juste que Malègue reconnût la part immense que son épouse Yvonne avait prise dans l’achèvement de son projet. Il le fit de cette manière pudique masquant sous le latin et l’allusion biblique [1] l’intensité de son amoureuse reconnaissance.
Publié en 1933 en deux tomes, Augustin ou le Maître est là, fut édité à partir de 1953 (9ème édition) en un seul volume et augmenté d’un appendice posthume : une conférence de l’auteur sur Le Sens d’Augustin. L’édition de 2014 aux éditions du Cerf est la douzième la précédente remontant à 1966. Le roman est composé de huit parties, ce nombre étant peut-être lui-même symbolique, car huit est le chiffre de l’éternité- de l’au-delà des sept jours marquant le temps- et des béatitudes.
1) Augustin Méridier ou le roman de la foi
A travers ces huit étapes nous suivons le héros de son enfance auvergnate jusqu’à sa mort prématurée dans un sanatorium des Alpes à travers sa vie scolaire et universitaire dans le Quartier latin à Paris et à l’Ecole de la rue d’Ulm.
Augustin Méridier est fils d’un professeur agrégé dont la carrière n’est pas en proportion avec sa vive intelligence et d’une mère de souche paysanne à la foi robuste et simple. Son hérédité explique sans doute beaucoup du drame qui va se jouer en lui. D’un côté le monde de la raison austère et le miroitement séducteur de la promotion sociale par l’étude, de l’autre l’attachement à une tradition de piété douce enracinée et ancestrale. Augustin est livré à ses deux formes irréductibles et même antagonistes d’émerveillement de l’enfance [2].
C’est l’itinéraire d’un esprit brillant aux prises avec le "problème de l’acte de foi" (R. Aubert) tel qu’il se pose à son époque soumise à la crise moderniste. Nous sommes dans ce temps qu’a si bien décrit Paul Claudel où "tout ce qui avait nom dans l’art, la culture et la science était irréligieux". C’est l’époque de ce "bagne matérialiste" qui entendait "momifier la religion sous les bandelettes entrecroisées de l’érudition et du doute" (Claudel). Même dans la petite Préfecture de Province (Aurillac probablement) où Augustin fait ses classes dans les premières années du XXème siècle, "un anticléricalisme compact régnait sur les cours du lycée aussi naturellement que le langage argotique, les bourrades, les coups de poings, le débraillé, le cynisme adolescent…" [3]
Aussi est-ce peu à peu, presque insensiblement, comme ces adieux qu’on se dit sur le quai d’une gare et qui s’éternisent, qu’Augustin va prendre congé de la solide piété de son enfance. Malgré la robustesse de ses sentiments religieux et la résistance de leur métal à toutes les thèses inverses, il cèdera à l’orgueil intellectuel. Le roman de Malègue se présente dès lors comme le « roman de la foi ». Son héros traversera la fierté d’une certaine notoriété intellectuelle, l’ivresse de l’amour pour la charmante et très noble Anne de Préfailles, les promesses de l’élévation sociale dans la fréquentation du salon des Sablons, la vue de la déchéance alcoolisée de son ami Vaton : rien de tout cela ne sera décisif pour son retour à la foi. Il faudra l’expérience de la douleur, de la culpabilité et de la mort pour arracher à Augustin l’ultime confession. Il faut ce cric, dirait Claudel. « Rien n’est fait dans la science de la vie tant qu’il reste à y intégrer la mort » avait dit Malègue par la bouche de son héros. « La mort c’est la présence de Dieu pour dans quelques heures. C’est le plus grand des Sacrements… » [4]confesse superbement Christine, la sœur d’Augustin, alors que son enfant est à toute extrémité. Bébé mourra effectivement de cette maladie qu’Augustin a lui-même contractée et peut-être transmise à son neveu. Cet évènement est le nœud du drame intérieur, qui secoue Augustin et les prémices de son retournement final. Les figures de sainteté de sa mère et de sa sœur Christine, mère de Bébé, jouent également un rôle décisif. Leur posture toute chrétienne face aux mystères de la vie et de la mort marque profondément Augustin. Pour elles en effet « la grande douleur des départs éternels ne faisait qu’épaissir autour de certains moments privilégié la gravité générale de toute vie » [5]…
Mais c’est, au Sanatorium de Leysin, l’intervention admirable de son brillant et fidèle ami Largillier, qui entraînera irrésistiblement Augustin agonisant à l’acte de foi. Ce condisciple de l’Ecole Normale, physicien surdoué et promis à quelque prix Nobel, était devenu jésuite. Dans son long dialogue avec son ami tuberculeux, il le remet en face à la sainte Humanité du Christ. Car dit-il « Loin que le Christ me soit inintelligible s’il est Dieu, c’est Dieu qui m’est étrange s’il n’est le Christ ». Cette affirmation est assurément une clef de l’aventure spirituelle à laquelle Malègue à travers Augustin, invite chacun d’entre nous.
2) La réception d’Augustin
Yvonne Malègue dans le livre qu’elle consacra en 1947 à son défunt mari évoque la correspondance abondante et enthousiaste que suscita la parution d’Augustin ou le Maître est là. Le roman rencontra chez nombre de ses lecteurs une résonance forte et durable. Il transforma des vies. Il était de ces livres dont la lecture fait date dans une existence. Pour qui ouvre le roman il doit savoir qu’il y aura dans sa vie un avant et un après Augustin. Nulle part n’était mieux exposé le terrifiant débat de l’âme aux prises avec la question de Dieu. « Je voudrais, écrit Charles Moeller, que tout jeune chrétien qui connaît quelque difficulté dans sa foi s’enferme quelque jour pour lire ou relire, lentement respectueusement le livre admirable qu’est Augustin » [6]. Le Père Ambroise-Marie Carré confesse que durant l’été 1934 il laissa en plan ses études de théologie subjugué qu’il fut par la lecture d’Augustin, ouvert par hasard, mais aux pages duquel il ne put s’arracher. Il range Malègue avec Thomas d’Aquin, Lacordaire, Péguy, Bernanos au nombre de ces maîtres que Dieu lui a donnés. « Des livres existent, écrit-il en effet, que vous ouvrez par curiosité, sans savoir que vous ne les refermerez que pour de brefs instants, les reprendrez avec fièvre et, les ayant terminés, les garderez comme les compagnons d’heures précieuses entre toutes » [7]. L’impression fut si forte qu’il se rendit même à Nantes pour rencontrer Malègue, ce « clinicien des cœurs » qui l’avait tant nourri de sa substance.
Proust et Balzac
Quelques critiques littéraires, au temps de sa parution, signalèrent Augustin ou le Maître est là comme un monument de la littérature française. Gaston Gallimard déclara qu’il aurait été fier d’avoir été l’éditeur d’un tel roman et demanda qu’on lui signalât tout autre projet de l’auteur [8]. On compara Malègue à Bernanos, à Mauriac, mais surtout à Proust. « Ce livre est le plus grand roman qui ait paru en France depuis A la recherche du temps perdu » écrit par exemple Jacques Madaule [9]. Plusieurs journaux publient d’ailleurs des articles sur Malègue avec ce titre évocateur : Un Proust catholique [10].
On pourrait tout aussi bien penser à Balzac, tant Malègue excelle, comme son illustre devancier, à dépeindre un état de la société, le milieu paysan, ou le milieu de la petite bourgeoisie de province. C’est magnifique de contempler avec quel art le romancier nous fait plonger dans le grand calme solennel de ce monde rural et entrevoir « un morceau de ciel d’où coule ce bonheur spécial, dit dominical, à qui l’invisible soleil communique avant la messe un ton d’oisiveté heureuse ».
Il y a dès les premières pages d’Augustin, une sorte de nostalgie, de poignante langueur, d’attirante grisaille, un puissant murmure de monotonie comblée, une description précise de « ces tristesses qui ne veulent pas être consolées » auxquelles on ne peut ni se résoudre ni s’arracher. Dehors les murs fatigués de veiller autour de trop minuscules héritages avaient croulés de pur ennui … Le temps qui ne savait couler commodément qu’au ras du sol, par le canal des rues, là où il trouvait des maisons à mordre s’était arrêté pour les hautes pierres de l’Abbatiale, les laissant intactes dans leur amorphe azur. Dans l’église, le décorum des plus pieuses cérémonies ne peut empêcher que « tout défaille de mélancolie inexaucée, languissante et heureuse ». En ville tout va son cours ordinaire, calmement horizontal. A la maison des meubles graves présentent une immobilité si noble que serait blasphématoire l’idée de les faire servir… Malègue a le génie de dépeindre à merveille ces atmosphères lugubres dont se dégage une inexplicable sérénité. On en trouve un exemple époustouflant dans la nouvelle Celle que la grotte n’a pas guérie où Mlle Noémie respire à plein poumon ce même air de contrainte, de pluie et de pauvreté et où la sainte Jeannette se laisse aller comme une épave étourdie de solitude de deuil et de docilité [11].
L’art consommé du romancier fait abonder les métaphores, mêlant subtilement les témoignages des sens, et multipliant les adjectifs. Dans la merveilleuse description du déjeuner aux Sablons qui ouvre le deuxième tome du roman, on entend le pépiement d’un oiseau solitaire criblant le silence de ses piqûres ; on se réchauffe à un soleil onctueux de Jardin ; on hume ces fleurs qui exhalent cet enivrement de se sentir aimé qui est l’essentiel de leur parfum ; on s’amuse du maître de maison M. Degrés des Sablons proférant des banalités avec une voix effleurant le solennel et plongeant jusqu’aux racines de l’honneur ; on admire surtout la grâce d’Anne de Préfailles, désignant ce velouté de pâleur et d’ombre qui était son visage : Anne de l’Apparition.
Si une certaine reconnaissance littéraire lui fut acquise, on peut bien dire aussi qu’elle ne fut pas ce qu’elle aurait dût être. Certes Malègue obtint le prix Claire-Virenque, prix de littérature spiritualiste, doté de 3000 francs. Certes il se constitua une sorte de club d’admirateurs fervents. Mais sa notoriété ne dépassa guère un cercle restreint et n’atteint jamais le grand public. Aucun des grands prix littéraires ne lui fut attribué et Malègue tomba vite dans l’oubli. Il est vrai que, lorsqu’Augustin parut, Malègue avait près de soixante ans et qu’il ne lui restait que sept ans à vivre. Il mourut durant la guerre et la débâcle et c’est la radio de Vichy qui lui rendit hommage… Il fallut attendre 18 ans pour que sorte son deuxième roman, lui aussi fort volumineux, quoiqu’inachevé, Pierres Noires. Les classes moyennes du salut. Tous ces éléments ne facilitèrent pas beaucoup l’accueil large et la reconnaissance unanime que l’œuvre de Malègue mérite pourtant.
3) La « théologie » d’Augustin
C’est sans doute du côté des théologiens que l’intérêt pour Joseph Malègue fut le plus grand. Le pape Paul VI lui-même confia à Jean Guitton qu’il fut un lecteur passionné d’Augustin et lui rapporta cette anecdote significative : « Un de mes amis me racontait que le livre de Malègue l’avait tellement séduit qu’il n’avait pas pu dormir de la nuit : il avait passé la nuit à le lire, c’était notre propre histoire de l’âme qui y était racontée. Malègue a fait un autre livre, sur les saints des classes moyennes. Je ne l’ai pas lu, je suis sûr que c’est un très beau livre » [12]. Le pape François semble communier avec son prédécesseur dans l’admiration pour le grand auteur français puisqu’il cite à son tour ces fameuses « classes moyennes de la sainteté » [13].
a) L’Hagiologie
L’expression à laquelle se réfère le pape François, quoiqu’elle devienne le thème majeur du deuxième roman de Malègue, Pierres Noires. Les Classes moyennes du salut, se trouve déjà dans Augustin. Dans le chapitre "L’office des morts ", alors qu’Augustin est entouré par trois femmes (sa mère, sa sœur Christine et la Mère Rambaud) toutes accaparées par les soins d’un bébé agonisant, il admire leur piété aussi inébranlable que simple et spontanée. Dieu leur « était calmement et naturellement doux ». Cette sérénité tranche avec les tourments religieux d’Augustin. Malègue note : « Quelques âmes ne perdent jamais le sentiment de la paternité de Dieu. Mais d’autres ont besoin d’intermédiaire lyrique entre le désespoir et la soumission. [Augustin] eût été de la sorte, ne se serait soumis qu’à travers une exaltation. Sa vieille idée que le seul terrain d’exploration correcte du phénomène religieux est l’âme des Saints lui parut insuffisante. Les âmes plus modestes comptaient aussi, les classes moyennes de la sainteté. » [14]
Cette vieille idée à laquelle Malègue fait référence est celle de l’hagiologie. Il s’agit de considérer la vie des saints comme la preuve la plus ajustée aux intelligences contemporaines et le meilleur champ expérimental pour saisir une certaine pénétration du divin dans les réalités terrestres. « La spécificité des phénomènes de sainteté a été très lentement reconnue par les psychologues positifs. Ils les considèrent dans le grand chapitre des troubles mentaux. Le progrès scientifique qui consiste à différencier une réalité nouvelle au sein d’un réel qu’on croyait homogène s’est très tardivement opéré ici » [15]. A la décharge des psychologues il faut reconnaître que la plupart d’entre eux n’avaient jamais rencontré de saints. Ils devaient explorés des terres prodigieusement nouvelles pour eux. L’expérience des saints bouleverse les routines scientifiques les mieux assises.
Augustin est l’interprète de Malègue quand il déclare que la vie de saints est le terrain où l’on peut toucher l’absolu dans l’expérimental. « Je pense à une hagiologie » [16] dit-il. Il évoque Thérèse de Lisieux, cette sainte tant aimée de Malègue [17]. Peut-être pense-t-il aussi à Saint Vincent de Paul dont Malègue a écrit la vie [18]. A l’un de ses admirateurs, suisse protestant, Malègue précisera : « Qu’il y ait là dans la vie des Saints, le chemin ou trouver cette fameuse preuve expérimentale, qu’après Hamelin, l’intelligence contemporaine tend à exiger de Dieu, c’est ce dont William James, un protestant, eut le premier l’idée vive. Bergson l’a reprise dans les Deux Sources. N’en laissons point s’émousser le prodigieux relief » [19]
Les classes moyennes de la sainteté
Pourtant l’hagiologie ne saurait réduire ses investigations aux seuls saints canonisés. Ce ne sont pas seulement quelques âmes suprêmes qui sont son domaine. Mais cette immense cohorte que Malègue nomme « les classes moyennes de la sainteté » et dont la mère et la soeur d’Augustin sont d’admirables représentantes.
Depuis sa thèse en droit sur le travail casuel dans les ports anglais, les questions d’économie politique passionnent Malègue. Ses romans traduisent une proximité avec toutes les classes laborieuses de la société qui, certes, ne se recoupent pas entièrement avec les classes moyennes de la sainteté, mais où celles-ci se recrutent en plus grand nombre.
Dans son second roman, Malègue définira lui-même ce qu’il entend sous cette étrange expression de sociologie théologique : « Les classes moyennes de la sainteté sont définies par un compromis, un moyen terme, entre bonheur terrestre et Amour unique de Dieu qui fait le saint ». D’un roman à l’autre il semble que les classes moyennes de la sainteté aient connues une considérable extension, brassant des populations beaucoup plus larges. On le constatera d’après les trois définitions suivantes :
1) « Les classes moyennes de la sainteté sont celles pour qui la justice et le surcroît [20] se présentent ensemble sur l’échelle des préférences et des préoccupations, et le surcroît passe quelquefois le premier ».
2) Ce sont tous ces gens qui sont comme parqués en de grand corps aux puissantes structures, à qui ils doivent presque tout d’eux-mêmes, de leur nourriture à leur langage, à leur pensée, sauf cette fine pointe de l’âme et ce silence intérieur qui persiste à échapper à leurs conditionnements extérieurs et à leur accaparement par le groupe.
3) « Les classes moyennes de la sainteté ce sont celles qui ne sauraient s’intéresser à une prédication qui ne tiendrait nul compte des intérêts terrestres, des conditions du bonheur matériel et de son harmonie finale avec celui du ciel »
Finalement on pourrait dire que « ces classes moyennes du salut » sont le corollaire et la conséquence de cette affirmation de saint Thomas d’Aquin qu’Augustin a entendu de la bouche de Largillier et qui le hantera jusqu’à la fin : « Dieu ne laisse pas errer jusqu’à la fin ceux qui, le cherchant dans la bonne foi de leur coeur, ne l’ont pas trouvé. Il enverrait plutôt un ange… » [21] Assurément Largillier fut cet ange de Dieu pour Augustin au seuil de la grande et miséricordieuse mort.
b) Ce que le Christ ajoute à Dieu
En effet, si le témoignage sobre et inconscient de sa mère et de sa sœur fut déterminant pour le retour d’Augustin à Dieu, on sait que c’est Largillier qui devait parvenir à sa conversion finale. Le brillant jésuite prononça au chevet de son ami cette phrase décisive et énigmatique : « Loin que le Christ me soit inintelligible s’il est Dieu, c’est Dieu qui m’est étrange s’il n’est le Christ ». Cette sentence, Malègue y reviendra plus tard et l’explicitera dans son ouvrage Pénombres dont le premier chapitre porte ce titre significatif : « Ce que le Christ ajoute à Dieu ».
« Dieu de Jésus-Christ, non pas des philosophes et des savants » s’écriait Blaise Pascal, dont Malègue est évidemment très proche. Le titre lui-même, Pénombres, semble concentrer la célèbre pensée de Pascal : « il y a assez de clarté pour qu’on puisse croire et assez d’obscurité pour qu’il faille croire ».
Comme l’a bien montré le théologien de Louvain Charles Moeller, ce qui sera décisif dans la conversion finale d’Augustin ce sera la conjonction de trois pénombres : pénombre de la Passion, pénombre des Ecritures, pénombres de la vie même d’Augustin . Dans les trois cas Dieu accepte de jouer en sourdine. Il accepte de se livrer au « déterminisme des causes secondes » [22].
Jésus en sa passion se laisse faire il est le jouet des passions mesquines et de ses bourreaux, sa divinité toute-puissante s’abandonne à ce « déterminisme de sueur et de sang » (Moeller). « Jamais je ne contemplerai assez l’abîme de la sainte Humanité de mon Dieu, dit admirablement Largillier, la pesanteur joue sur lui. Pour lui aussi les pierres sont dures et les madriers lourds » [23]. Il est ce doux Jésus, Maître de la Souffrance qui a bu jusqu’à la lie le tragique des minutes dernières [24]. C’est la Pénombre de la Croix.
La Parole de Dieu est consignée dans les Saintes Ecritures par des témoins qui ignorent tout des exigences de la critique moderne et qui écrivent selon les lois et les modes de leur culture pré-scientifique. Dieu abandonne son témoignage aux déterminismes de cette civilisation donnée. « Il n’a pas devancé l’évolution intellectuelle et matérielle des hommes à qui il a confié la tâche de parler de Lui » [25]. Il nous offre pour témoigner de Lui ces pauvres textes désarmés et si doux, hachés par le rationalisme moderne. En acceptant que sa Parole se coule en des textes « qui offrent innocemment le cou au couteau de la critique réductrice » [26]. Dieu accepte en quelque sorte de s’immoler une seconde fois. C’est la Pénombre de la Révélation.
Augustin Méridier est frappé par des évènements qui le dépassent, cruels et arbitraires. Il est livré à son tour au déterminisme des causes secondes. Mais sous-jacent à cette dérive sans signification apparente, il y a le Dieu caché. « Tous ces mécanismes impassibles du monde, rien n’est plus facile que d’en croire Dieu absent. » lui dira Largillier [27]. Telle est la pénombre essentielle qui en toute vie tout à la fois cache et dévoile le Créateur. « La forme sous laquelle Dieu nous tend la main est celle-même qui rend cette main invisible (…) Dieu accepte et ménage cette petite causalité libre qu’est une âme, son jeu spontané, les organes de transmission qu’elle s’est elle-même constitués… » [28] « Même nos rapports avec la Cause Première prennent des formes régies par les causes secondes et c’est une des idées auxquelles je tiens le plus » [29] écrira Malègue à un de ses admirateurs.
c) Vertu de foi et péché d’incroyance
Sous sa forme romancée, Augustin pose le Problème de l’acte de foi, selon le titre de la célèbre et monumentale étude de Roger Aubert. Ce théologien belge de Louvain considère Malègue comme l’un de ses paires et lui consacre de nombreuses pages élogieuses. Malègue a exposé les principes théologiques qui régissent sa pensée sur l’acte de foi dans son ouvrage Pénombres dont la deuxième partie s’intitule précisément : « Vertu de foi et péché d’incroyance ». Il y montre comment la foi est une vertu fondée, libre et aidée. C’est dire qu’elle fait jouer harmonieusement l’intelligence, la volonté et la grâce. « Restituer aux choses leur complexité substantielle, c’est à la fois de bonne méthode scientifique et d’exacte orthodoxie, ce que l’on a toujours vu aller ensemble » écrit Malègue.
Il insiste sur le nécessaire travail de l’intelligence. On a souvent noté comment chez Augustin, à l’encontre de nombre d’adolescents, ce ne sont pas les sirènes de l’érôs qui luttent contre Dieu. Les seuls motifs intellectuels semblent l’attirer de leurs appâts. Même le drame sentimental que connaîtra Augustin auprès de Mlle Anne de Préfailles ne semble pas altérer le drame essentiellement intellectuel qui se joue en lui, « une pure crise de la pensée et non point le banal drame de la chair opposée à la foi ».
Malègue insiste beaucoup sur le nécessaire travail que requiert la foi. Comment peut-on rencontrer des êtres cultivés dont le niveau ne dépasse pas en fait de religion celui d’un catéchisme de persévérance ! « Sur l’immense recherche théologique, ils n’ont jamais ouvert la moindre lucarne de leur âme » [30]. Pourtant « toute formation religieuse doit être une école d’énergie. Jamais une prière ne compensera une indolence » [31]. Car il n’y a pas de symétrie entre croyance et incroyance. Comme le note Largillier : « une croyance inentretenue s’écroule. Une incroyance somnolente demeure » [32]. C’est bien pourquoi il peut y avoir un péché d’incroyance. « Beaucoup, les plus nombreux peut-être, estiment que la foi est un phénomène à peu près involontaire, spontané sans mérite aucun. On la trouve dans la forme de sa sensibilité, ou dans son héritage familial et social. Au fond on la possède un peu comme on le nez aquilin et les yeux bleus, et son absence n’est pas plus à compter pour faute qu’un nez camus ou des yeux noirs. On la possède ou non, et c’est tout. Eux ne la possèdent pas et c’est tout encore… » [33]. On peut dire que le roman Augustin est de part en part une réponse à cette conception passive de la foi.
Le péché d’Augustin ?
S’il existe un "péché d’incroyance" on peut se demander où est la faute morale d’Augustin dans sa perte de la foi. On ne peut pas lui reprocher d’avoir céder à quelque appétit temporel encore moins charnel. C’est un processus purement intellectuel qui le conduit à l’incroyance. Encore doit on ajouter qu’il a conduit sa recherche avec rigueur et honnêteté. Loin de s’appuyer sur la critique biblique de son époque, fondamentalement hostile au christianisme, il en perçoit les lacunes et les préjugés. Il a pu par lui-même constaté que le rationaliste manie l’hypothèse encore bien davantage que le croyant. Il a même publié durant la guerre (14-18), dans une revue suisse, un article remarqué sur les « Paralogismes de la critique biblique ». Mais alors où le bas blesse-t-il ? Quelle part d’erreur doit-on imputer à Augustin ?
Malègue a tenté de répondre à cette question dans sa conférence Le Sens d’Augustin. Il avance plusieurs pistes que nous résumons ici.
D’une part Augustin est coupable de manque de patience envers les faits, de défiance envers les phénomènes de l’affectivité, de manque de cette humilité docile, vertu intellectuelle et morale à la fois, inhérentes aux bonnes méthodes expérimentales.
D’autre part, de son ascendance de paysan cantalien, il tire une certaine ivresse de sa réussite intellectuelle et sociale. Il a au fond de lui, en beaucoup plus intelligent, la dureté cassante et hautaine de l’abbé Bourret.
Enfin, il cultive une certaine satisfaction de sa souffrance intellectuelle. Ses angoisses métaphysiques, en l’élevant au dessus du commun, l’isole superbement dans « une de ses tristesses qui n’aime pas d’être consolées ».
Mais au-delà de ces trois traits peccamineux, bien plus profondément, d’autant mieux masquée qu’elle est plus banale, il y a cette tendance à céder à l’esprit collectif, à l’ambiance intellectuelle du moment. Or l’ambiance de l’époque d’Augustin est à ce scientisme matérialiste qui déserte le métaphysique pour l’expérimental [34]. Malègue insistera encore sur ce dernier point dans sa correspondance : « Je crois que le péché social ici est essentiel. Le courant positiviste est immense et comme spontané dans l’atmosphère spirituelle contemporaine. Et l’on ne se rend même pas compte que le catholicisme peut répondre à ses exigences en ce qu’elles ont d’intellectuellement légitimes… ce que j’ai taché de décrire et d’étudier, c’est la manière dont la crise de la foi a les plus grandes chances de se présenter aux intelligences contemporaines, nourries de positivisme et d’historicisme… »
Si c’est un processus tout intellectuel qui conduit Augustin à l’incroyance c’est par un processus similaire qu’il y reviendra au terme de sa vie. Il faut ici innocenter entièrement Malègue dans ce procès en fidéisme qu’on lui a si souvent intenté. Bien sûr le retour à la foi d’Augustin n’a pas été possible sans l’expérience de la douleur et de la mort. Mais ces réalités aussi font partie du champ de l’expérimental. Le postulat positif est fait d’une substance si dure qu’il faut le coup de massue de la souffrance pour démolir ses moellons [35]. Le rôle de la douleur n’est pas de pallier l’absence d’arguments rationnels mais de démanteler la forteresse qu’une intelligence non instruite par l’expérience de la souffrance s’est bâtie. Jamais Augustin n’acceptera que Dieu prenne sa revanche avec les cartes truquées de la mort. Jamais il n’acceptera de soumettre ainsi son intelligence aux vagues sentiments de peur ou d’hébétude de son cœur. C’est son intelligence qui devra reconnaître ces éléments sentimentaux comme essentiels et les réintégrer dans son domaine. Pour Augustin comme pour Malègue aucune démission de l’intelligence n’est envisageable.
d) Le Maître est là
Le titre du roman pourrait bien être la clef de sa compréhension profonde. Il y a d’une part le prénom d’Augustin qui, pour classique qu’il soit dans le milieu rural du début du XXème siècle, est probablement aussi pour l’auteur une claire allusion à saint Augustin, le docteur de la nature et de la grâce. D’autre part l’expression « le Maître est là » est une citation de l’évangile selon saint Jean située dans le chapitre sur la résurrection de Lazare. C’est Marthe, l’affairée, qui vient dire secrètement à sa sœur Marie : "Le Maître est là et il t’appelle."(Jean 11,28). Nous voilà donc par ces quelques mots placés devant la double question de la présence du Seigneur et de ses appels.
Dès l’enfance Augustin a ressenti presque physiquement la présence du Seigneur. Durant les vacances, des séjours dans les hautes terres du Cantal, au domaine des Planèzes, ouvrent à Augustin des horizons nouveaux. La montagne est le lieu où Dieu parle, favorable aux premiers élans mystiques. Le grand vent frais qui souffle sur les terres, les scènes de tendresse familiale, l’odeur de pain bis et la rugosité des draps, la piété maternelle, tous ces traits, admirablement ciselés par l’art du romancier, marquent la jeune sensibilité de notre héros. L’enfant de sept ans perçoit au cours des voyages « l’amplitude silencieuse et disproportionnée des bois, mêlés à des sons de prière et de sommeil. Tout en vous intimidant, elle faisait entrer en vous une douce confiance dont on s’apercevait seulement qu’elle était là sans qu’on l’eût sentie venir. Elle allait chercher au fond de vous, pour le caresser et l’assoupir, quelque chose qui était peut-être bien votre âme, tant c’était profond. Elle vous calmait, vous baignait par en dedans, vous donnait l’envie de ne plus parler, vous inspirait de vous recueillir, comme disent les grandes personnes, et aussi de vous confier à des bras immenses, qui vous auraient pris et soulevés de terre pour vous emporter en vous berçant. ». Dans cette atmosphère il devient presque palpable que « le Maître est là ».
Comme contrepoint à ses élans vers les hauteurs, les plateaux du Cantal sont aussi le domaine du rude réalisme paysan, rusé et utilitaire, bougnat. Attachement terrien, envol mystique : toutes ces fortes impressions, ces inclinations diverses et ses influences contradictoires se mettent en place dans l’âme du petit Augustin. C’est le jeu de la nature et de la grâce obstinément entretissées. Thème augustinien s’il en est, et malèguien aussi.
L’appel
Durant la convalescence d’une grave maladie, Augustin, adolescent, lit par hasard le Mystère de Jésus de Pascal et sent monter en lui l’appel à la consécration de sa vie dans le sacerdoce. Cette question de la vocation le taraudera de sa treizième à sa seizième année. Augustin se sent aimé, sollicité, choisi. Il sait qu’il tient sa vie entre ses mains. S’il ne répond pas à cette voix qui le mande ce n’est pas par manque de foi. « Entre cette voix et celui qu’elle poursuit, s’interpose un bouclier mou, fait de plat sens commun et de prudence humaine, qu’elle ne traversera pas » [36]. Il y a la caresse du relatif. « De bien petites choses en vérité, sans proportion avec l’immense : toute sa carrière terrestre, les grands concours, les réalisations déjà commencées… Elles jouent l’adresse et la prudence, et même le dévouement religieux : « Quand tu auras conquis ces titres, et puis ces autres, et puis encore ceux-là, avec quelle autorité ne parle-ras-tu pas au nom du Christ ? Comme on t’écoutera ! » Levée en masse des arguments et des défenses pour le bonheur en danger. D’autres motifs aussi, d’une sorte plus chaude : les chastes tendresses, les fiançailles inépuisables, toutes les symphonies de la joie. Aucun nom sur ces préfigurations passionnées, rien qu’une direction obscure où tendent d’essentiels désirs. Oh ! les terrifiants moments, où Dieu confie véritablement aux hommes, avec la tâche de créer leur vie, une délégation de la Causalité ! » [37]
Entre Augustin et Dieu il y aura désormais ce regret à demi-conscient, ce souvenir d’un refus de jeunesse. Beaucoup de ses amis répondront positivement à l’appel du Seigneur. Paulin Zeller et René Bernier, camarades de Lycée, entreront au séminaire. La Marie de chez-nous, premier émoi sentimental du jeune Augustin, se cloîtrera chez les Clarisses et bien sûr Largillier, le plus doué de tous, deviendra jésuite. Autour d’Augustin chacun de ces personnages gravite comme un obscur rappel de ce refus qui a comme plié sa vie. Car quand les avances divines sont repoussées, les jeux sont faits. Comme le dira magnifiquement Largillier, on ne met pas Dieu au second rang [38]. Pour préserver leur vie menacée par la tuberculose, les hommes sont capables de trancher tous liens. Ils abandonnent tout, vie, carrière, relations et se réfugient au sanatorium. « On ne conserve pas Dieu à un prix moindre » dit Largillier. De la bouche de son ami jésuite, Augustin s’entend à demi-mot reproché de n’avoir pas eu l’audace nécessaire au moment décisif, le courage de s’engager en répondant au Maître qui l’appelait. Finalement Augustin fait bien partie de ces classes moyennes du salut chez qui l’attrait du surcroît l’emporte sur l’impérieux appel du Royaume et de sa justice.
De fait, juste après avoir décliné l’impérieux appel divin, Augustin voit sa foi chanceler à la faveur d’une lecture de la célèbre et redoutable Vie de Jésus de Renan. Certes, son énorme édifice de croyances et d’habitudes morales ne s’effondre pas d’un coup. Mais l’esquive de sa vocation a inscrit en lui une lézarde irréparable. Comme le note avec justesse Charles Moeller : « le refus de l’appel a rompu l’unité intérieure d’Augustin » [39].
L’appel ressurgira dans les derniers jours de la vie d’Augustin, lorsque la maladie lui aura enlevé tous les motifs pour lesquels il avait résisté en sa seizième année : les conquêtes de l’esprit, la brillante carrière, les douceurs de tendresses humaines… Alors on comprendra que durant ses longues années d’errance hors des chemins de la foi, à aucun moment la présence divine et le sourd travail de la grâce ne lui avaient fait défaut. Entres les deux pics palpables de sa seizième et de sa dernière année, dans la pénombre mécréante de la vie d’Augustin, plus insensiblement, mais non moins réellement Dieu était présent. Telle est bien l’intuition centrale et très augustinienne du roman : l’humilité de Dieu qui accepte de se tenir masqué dans le complexe réseau des causes secondes. La grâce divine qui, sensible à de certains moments, se coule néanmoins pour le reste dans la trame des jours, laissant ignorer aux vies qu’elle baigne de toute part qu’à tout moment « le Maître est là ».
Joseph Malègue, crédit photographique : François Bouchon
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[1] L’expression « ma sœur, mon épouse » est une allusion au Cantique des Cantiques (cf Ct 4,9.10.12 ; 5,1) et renvoie donc aux sentiments fervents du Bien aimé
[2] Augustin, Matines, p. 11
[3] Augustin, Le temps des rameaux nus, p. 82
[4] Augustin, L’office des morts, p. 672. Malègue a laissé comme son dernier écrit le Plan d’une prière pour l’acceptation de la mort, publié par son épouse Yvonne en 1949.
[5] Ibid.
[6] Charles Moeller, Littérature du XXème siècle et christianimse, II, la Foi en Jésus-Christ, Casterman, 1952 p 219
[7] Ambroise-Marie Carré, op Ces maîtres que Dieu m’a donnés, Cerf, 2003, p. 90
[8] Lettre du 23 décembre 1933, citée par E. Michaël, Joseph Malègue, op. cit., p. 70.
[9] Jacques Madaule, Bulletin Joseph Lotte, 1er décembre 1933.
[10] J. Soulairol, Vie Catholique, 26 août 1933 ; Jeanne Ancelet- Hustache, Nouvelles Littéraires, 9 décembre 1933
[11] La nouvelle « Celle que la grotte n’a pas guérie » est publiée à la fin de Pénombres, 1939, et reprise dans Sous la meule de Dieu et autres contes, 1965
[12] Jean Guitton, Paul VI secret, p. 79.
[13] Pape François, Homélie à Saint- Paul-Hors-les-Murs, 14 avril 2013. Le pape est revenu sur ce thème dans l’Interview qu’il a accordé en août 2013 aux revues culturelles jésuites : « Je vois la sainteté du Peuple de Dieu, sa sainteté quotidienne. C’est une " classe moyenne de la sainteté" dont tous peuvent faire partie, celle dont parlait Malègue »
[14] Augustin, l’office des morts, p. 668
[15] Pénombres, p 62-63
[16] Augustin, Les plus heureux jours, p. 163
[17] Yvonne Malègue op.cit p. 24
[18] Malègue, Vie de Saint Vincent de Paul, librairie de l’Arc, 1939
[19] Cité in Yvonne Malègue op.cit. p. 33
[20] Cf « Cherchez d’abord le Royaume de Dieu et sa justice et tout le reste vous sera donné par surcroît » ( Mt 6,33 )
[21] En fait l’affirmation est même reprise trois fois dans le roman. Une première fois par Largillier (Paradise Lost, p. 327) puis une deuxième fois par Augustin lui-même lorsqu’il pressent qu’Anne de Préfailles pourrait être cet ange venu de Dieu (Canticum Canticorum p.534) et une dernière fois encore par Augustin qui a compris que Largillier était l’ange annoncé (Sacrificium Vespertinum p. 775)
[22] Cf Charles Moeller, Littérature du XXème siècle et christianisme, II, La Foi en Jésus-Christ, Casterman, 1953, p 275
[23] Augustin, Sacrificium vespertinum
[24] Augustin, L’office des morts
[25] Pénombres, 1939, p. 116
[26] Malègue, Le Sens d’Augustin
[27] Augustin ou le Maître est là, II, p. 486
[28] Malègue, Pénombres, Spes, 1939, p 99
[29] Cité in Yvonne Malègue op. cit p. 33
[30] Ibid. p 113
[31] Ibid. p 135
[32] Augustin, Sacrificium vespertinum
[33] Ibid p 142
[34] Cf Malègue, Le Sens d’Augustin, p 824-825
[35] Malègue, Le Sens d’Augustin, p 824-825
[36] Augustin, L’arbre de science, p. 117
[37] Ibid p. 116
[38] Augustin, Sacrificium vespertinum, p 795
[39] Charles Moeller, op cit p. 255