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14.12.2013

Editorial : Novembre 2013

Que dire à un jeune de 20 ans ?


Rien ne s’obtient sans effort, et cessons de rêver que nous sommes tous Marie Poppins, pour qui il suffit de désirer pour obtenir. Une vie d’Homme se construit avec humilité, ardeur et volonté à la sueur du front. C’est vrai que notre classe gouvernante semble avoir oublié ce qu’est l’effort et rien dans l’actualité ne vient rendre témoignage de ce qui structure une rigueur morale. Aujourd’hui, la simple manifestation du désir suffit pour légiférer sur n’importe quel sujet et bouleverser nos colonnes vertébrales ; n’importe quel caprice ou intérêt particulier suffit à tenter de nous engager dans des bouleversements géopolitiques majeurs, et la construction et le service de l’intérêt commun semblent les oubliés des raisonnements conjoncturels. Je veux, j’ai du pouvoir donc j’aurai, n’est qu’une mode très capricieuse de la réalisation du désir immédiat. Quel témoignage pour nos enfants et pour nous-mêmes, et comment n’en pas finir déboussolé ? Deux témoignages récents, pourtant, viennent résonner à nos oreilles. C’est le président Poutine, s’adressant à Barack Obama et au peuple américain, qui les met en garde contre le danger d’encourager les hommes à se considérer exceptionnels. « …Nous sommes tous différents, mais quand nous demandons la bénédiction du Seigneur, nous ne devons pas oublier que Dieu nous a créés égaux ». Voilà une belle leçon de diplomatie humaine, qui s’adresse à un jeune de 20 ans comme aux autres.

Mais je vais surtout laisser Hélie DENOIX de SAINT MARC, mort cet été, apporter ce complément de réponse admirable :
« Quand on a connu tout et le contraire de tout, quand on a beaucoup vécu et qu’on est au soir de sa vie, on est tenté de ne rien lui dire, sachant qu’à chaque génération suffit sa peine, sachant aussi que la recherche, le doute, les remises en cause font partie de la noblesse de l’existence. Pourtant, je ne veux pas me dérober, et à ce jeune interlocuteur, je répondrai ceci, en me souvenant de ce qu’écrivait un auteur contemporain : " Il ne faut pas s’installer dans sa vérité et vouloir l’asséner comme une certitude, mais savoir l’offrir en tremblant comme un mystère". A mon jeune interlocuteur, je dirai donc que nous vivons une période difficile où les bases de ce qu’on appelait la Morale et qu’on appelle aujourd’hui l’Éthique, sont remises constamment en cause, en particulier dans les domaines du don de la vie, de la manipulation de la vie, de l’interruption de la vie. Dans ces domaines, de terribles questions nous attendent dans les décennies à venir. Oui, nous vivons une période difficile où l’individualisme systématique, le profit à n’importe quel prix, le matérialisme, l’emportent sur les forces de l’esprit. Oui, nous vivons une période difficile où il est toujours question de droit et jamais de devoir et où la responsabilité qui est l’once de tout destin, tend à être occultée. Mais je dirai à mon jeune interlocuteur que malgré tout cela, il faut croire à la grandeur de l’aventure humaine. Il faut savoir, jusqu’au dernier jour, jusqu’à la dernière heure, rouler son propre rocher. La vie est un combat, le métier d’homme est un rude métier. Ceux qui vivent sont ceux qui se battent. Il faut savoir que rien n’est sûr, que rien n’est facile, que rien n’est donné, que rien n’est gratuit. Tout se conquiert, tout se mérite. Si rien n’est sacrifié, rien n’est obtenu. Je dirai à mon jeune interlocuteur que pour ma très modeste part, je crois que la vie est un don de Dieu et qu’il faut savoir découvrir au-delà de ce qui apparaît comme l’absurdité du monde, une signification à notre existence. Je lui dirai qu’il faut savoir trouver à travers les difficultés et les épreuves, cette générosité, cette noblesse, cette miraculeuse et mystérieuse beauté éparse à travers le monde, qu’il faut savoir découvrir ces étoiles qui nous guident quand nous sommes plongés au plus profond de la nuit, et le tremblement sacré des choses invisibles. Je lui dirai que tout homme est une exception, qu’il a sa propre dignité et qu’il faut savoir respecter cette dignité. Je lui dirai qu’envers et contre tous il faut croire à son pays et en son avenir. Enfin, je lui dirai que de toutes les vertus, la plus importante, parce qu’elle est la motrice de toutes les autres et qu’elle est nécessaire à l’exercice des autres, de toutes les vertus, la plus importante me paraît être le courage, les courages, et surtout celui dont on ne parle pas et qui consiste à être fidèle à ses rêves de jeunesse. Et pratiquer ce courage, ces courages, c’est peut-être cela « L’Honneur de Vivre ».


Etienne TEQUI
Président des Anciens de Stan
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