150 ans de foi, d’amitié, de fidélité, et d’action

Fondée en 1865, l’Association amicale des anciens élèves du Collège Stanislas fête en 2015, ses cent cinquante ans d’existence. A cette occasion, nous vous proposons deux articles qui se complètent, l’un, retraçant l’histoire de l’association, et le second, ses diverses activités entreprises au cours des dernières années.
150 ans de foi, d’amitié, de fidélité, et d’action, par Alain Raab (Promo 1955), Membre du Comité directeur, Ancien président de Stanislas S.A.
« Agir en chrétien, ce n’est pas seulement prendre sa place dans l’Eglise… C’est aussi prendre sa place dans la société, assumer des responsabilités… en conformité avec l’Evangile. » [1]
En 1865, il y a 150 ans, Stanislas était sorti, depuis peu, d’un demi-siècle de combats et de difficultés surmontées pour réinventer l’éducation publique, survivre aux aléas politiques et financiers, servir l’excellence, annoncer l’Evangile…
Un avenir serein et prometteur s’annonçait : après les troubles révolutionnaires graves de 1848, la situation politique paraît stabilisée, les travaux d’Haussmann éliminent, progressivement à partir de 1854, les graves aléas sanitaires auxquels étaient exposés les Parisiens, après la loi Guizot (1833), la loi Falloux (1850) reconnaît la pertinence et la légitimité de l’enseignement privé, les établissements d’enseignement privé se multiplient, le baccalauréat (guère plus de 4 000 lauréats pour la France entière…) est prestigieux, et prestigieux sont les établissements qui y forment. Les succès de Stanislas vont croissant sous l’impulsion de l’abbé Lalanne, disciple de l‘abbé Liautard et l’un des fondateurs, en 1817, avec l’abbé Cheminade, de la congrégation des Marianistes, à Bordeaux (Institution Sainte Marie, maintenant : Sainte Marie Grand Lebrun), ses finances sont saines …
C’est dans ce contexte que les anciens élèves avaient pris l’habitude, à partir du début des années 1830, de se rencontrer annuellement, dans un banquet auquel était convié le directeur du Collège, et que l’abbé Lalanne, au banquet de 1859, devait inviter les convives « à retrouver par le monde, nos anciens condisciples, qui y sont épars ». Il revient sur le sujet au banquet de 1862, et l’abbé Buquet, devenu évêque et vicaire général du diocèse de Paris, resté fidèle au Collège pour lequel il s’était tant battu, d’abord comme second de l’abbé Augé, puis comme directeur, et attaché à ses anciens élèves, fait aboutir le projet. C’est ainsi qu’en 1865 est constituée l’Association amicale des anciens élèves du collège Stanislas par Mgr Buquet, lui-même premier président de l’Association, l’abbé Lalanne, 1er vice-président, et 10 anciens : Edouard Bachelier, Louis Dumas, Hippolyte de Bernoville, Alexandre de Careil, Xavier Gouraud, Jules Grenouille, Eric de Liebhaber, Alphonse Quatremère, Albert Thiéblin (qui sera président de 1893 à 1904) et Auguste Thionville. Douze ans plus tard, les Anciens obtenaient du maréchal de Mac Mahon, président de la République, la reconnaissance de l’utilité publique de l’Association conçue pour « perpétuer les relations contractées au Collège » et « venir en aide aux anciens élèves malheureux ».
Effectivement, l’Association organise, dès lors, les banquets annuels, l’entraide entre Anciens, les réunions de promotion… C’est, là, pratique commune à toutes les associations d’anciens élèves de lycées et collèges qui fleurissent en France à l’époque, comme le font, de nos jours, les associations d’alumni de grandes écoles. Le sentiment de solidarité est particulièrement fort chez les anciens de Stan, marqués autant par le souvenir des années de dangers et de combats que par le prestige du Collège et de ses maîtres et par la notoriété de nombreux camarades.
En 1901, c’est animés non seulement par leur foi chrétienne et par leur reconnaissance au collège qui les a formés, mais aussi par esprit civique, que des Anciens anticipent les conséquences, pour les congrégations d’enseignement, de la loi du 1er juillet 1901 sur les associations, rejoignant implicitement deux préoccupations majeures d’un père fondateur de la République, anticlérical mais sage, quand il professait, 110 ans plus tôt, que l’éducation publique doit se borner à l’instruction et que, pour éviter l’endoctrinement politique, [elle] ne doit pas dépendre de l’Etat [2]. Des fonds importants sont réunis par Albert Thiéblin, président de l’AAAECS, auprès d’anciens élèves et de parents d’élèves et, dès 1902, un père d’Ancien et deux Anciens : Félix Sangnier, Albert Marcilhacy, et Pierre de Ségur, d’accord avec l’abbé Prudham, lui-même ancien élève, directeur et vice-président de l’Association, mènent à bien la constitution de l’actuelle société Stanislas et le rachat du Collège. La loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat n’interrompra donc pas la vie de Stan.
Les cinq premières décennies du XXème siècle sont marquées par les épreuves des deux guerres mondiales et un nouvel essor des classes préparatoires servi par des maîtres d’exception, ce qui se traduit par des promotions aussi soudées et attachées à Stan qu’au XIXème. L’Echo de Stan, fondé le 15 août 1915 par l’abbé Pautonnier, directeur du Collège, facilite la communication entre Anciens et développe le sentiment de solidarité pendant la guerre de 1914. Sa gestion est assurée, selon les périodes, prioritairement par le Collège ou l’AAAECS. En 1952, c’est une souscription des membres de l’Association qui permet de le sauver.
En 2015, la situation est bien différente de celle de 1865 : cela ne fait pas 15 ans mais plus de 50 que la France est en paix extérieure et intérieure et, si le Collège a été exposé, pendant cette période, à de graves dangers, ces derniers, grâce à l’action préventive efficace de l’AAAECS, et à l’exception notable de ceux des années 1983 et 1984, ont peu marqué les enseignants et éducateurs, et pas du tout les élèves. Par ailleurs, à une époque où le nombre des lauréats au baccalauréat n’est plus, chaque année, de l’ordre de 5 000, mais de celui de 600 000, et où la formation s’est allongée, les associations d’anciens élèves de lycées doivent subir la concurrence croissante d’associations liées aux études ultérieures.
Ce contexte peu mobilisateur souligne la vigueur exceptionnelle avec laquelle l’AAAECS s’est maintenue vivante et a continué à assurer, comme en 1902, une présence agissante auprès du Collège dès les lendemains de la seconde guerre mondiale :
- en 1950, le président Georges Hua conseille et assiste l’abbé Méjecaze pour concevoir et obtenir du lycée Saint Louis, pour les classes préparatoires, des accords d’association qui préfigurent ceux de la loi Debré de décembre 1959 ;
- en 1952, le président Marcel Rémond s’aperçoit que des intérêts suspects ont entrepris de mettre la main sur les actions de Stan qui tombent en déshérence, et organise la dévolution de ces dernières à l’AAAECS, qui n’en avait pas et finira, dans les années 1990, par en détenir plus de 49 % ;
- en 1983, derrière un Ancien alors président de Stan, Yvan Téqui, et de conserve avec l’A.P.E.L.-Stan, elle se mobilise dans les démonstrations de rues massives qui viendront à bout de la loi qui entendait « nationaliser l’école libre » ;
- en 1984, elle perçoit et transmet au Collège les aides financières que le même président avait suscitées pour s’opposer à une tentative de nationalisation des classes préparatoires ;
- en 2001, elle impose un changement de gestion au Collège, ce qui permet à ce dernier d’échapper à une opération immobilière désastreuse et de prendre un nouvel essor ;
- de 2006 à 2013, elle conçoit et réussit la constitution de la Fondation Stanislas pour l’éducation, avec laquelle elle partage la majorité du capital social (quelque 37 % chacune des actions présentes ou représentées aux assemblées) et pour qui ces actions sont incessibles, apportant ainsi au capital de Stanislas, avec le concours des deux autres actionnaires significatifs que sont l’Association du foyer Guynemer pour Etudiants et l’A.P.E.L-Stan, une stabilité qu’il n’avait jamais connue.
En ses 150 ans d’existence, l’AAAECS a, ainsi, toujours su susciter ou permettre l’action d’Anciens dévoués au Collège et vigilants sur les dangers auxquels il est exposé. Elle a toujours considéré qu’il est dans sa mission d’être un veilleur et un serviteur fidèle pour Stanislas qui a formé ses membres et, à travers lui : pour l’Evangile qu’il leur a annoncé, pour l’Enseignement catholique qui l’inspire, et pour l’Enseignement privé qui fait sa liberté.
Il serait dans la logique de son histoire qu’elle s’organise pour continuer à veiller sur l’intégrité matérielle, intellectuelle, et spirituelle du Collège, et pour, en cas de besoin, être prompte à l’action comme en 1901, 1950, 1952, 1983, 1984, 2001…
Cela paraitrait bien avisé à notre époque où se profilent les dangers antinomiques mais également menaçants d’une laïcité militante et d’une sacralité dévoyée, et où s’aggravent les entreprises de déconstruction de la culture humaine.
Cela paraîtrait, aussi, bien naturel pour des Anciens qui ont appris à Stan qu’être « honnête homme » (et on sait que ce terme est autant féminin que masculin…) « n’est pas une simple option » mais le plus essentiel des impératifs…
Elèves hier, parents et grand parents aujourd’hui ou demain : comment seront instruits leurs enfants et leurs petits enfants ?
Alain RAAB
Promo 1955
Stanislas, les combats des 50 premières années
- Création ex nihilo, en 1804, sur leurs propres deniers, dans une France où les structures de l’Instruction publique ont été dévastées depuis 1791, par les abbés Liautard, Augé, et Froment de Champlagarde, de la Maison d’éducation de la rue Notre-Dame des champs qui prendra le nom de Stanislas en 1822.
- Lutte pour la survie après qu’ait été décrété, en 1808, le monopole de l’Université impériale sur l’Instruction publique.
- Action pour être reconnu, en 1821, comme, à Paris, Henri IV, Louis le Grand, Charlemagne, Condorcet, et Saint Louis, collège de plein exercice (c’est-à-dire : admis à présenter des candidats au concours général et au baccalauréat).
- Nécessité de trouver des investisseurs quand, en 1838, l’abbé Augé prend sa retraite.
- Difficultés financières consécutives aux épidémies de choléra de 1832 et de 1849 du Paris pré-haussmannien, qui cantonnent les élèves à la campagne et les font déserter les collèges.
- Engagement dans les débats de société sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la liberté religieuse, la liberté de l’enseignement, la liberté d’association, le catholicisme social… (l’abbé Buquet demande à l’abbé Lacordaire de prononcer à Stan, en 1834, ses premières homélies de carême, qui deviendront ses célèbres conférences à Notre-Dame, et recrute Frédéric Ozanam comme professeur de rhétorique).
- Réformes pédagogiques dans les années 1840 (abandon de l’enseignement du latin à l’école primaire, ouverture de classes spécialisées dans la préparation aux concours des grandes écoles, développement de l’internat, port d’un uniforme…).
- Disparition, en 1847, des immeubles du Collège dans le percement des rues Vavin (sa prolongation), Bréa et Sainte-Beuve, et recherche des locaux qui constitueront le « noyau » des locaux actuels de l’établissement.
- Reprise de l’établissement, en 1854, par la congrégation des Marianistes.
Présidents de l’association amicale des anciens élèves de 1865 à nos jours
Mgr Buquet (1865-1871), évêque et vicaire général du diocèse de Paris
M. Caro, de l’Académie française (1872-1874)
M. Camille Rousset, de l’Académie française (1874-1875)
M. Armand Blanouet du Chayla (1875-1877)
M. Louis de Ponton d’Amécourt (1877-1878), conseiller honoraire à la Cour d’appel de Paris
M. Faustin Adolphe Hélie ((1878-1893), juge au tribunal de la Seine
M. Albert Thiéblin (1893-1904), Avocat à la Cour d’appel
M. Joseph Delom de Mézerac (1904-1922), Avocat à la Cour d’appel
M. Auguste Champetier de Ribes (1922-1937), avocat à la Cour de Paris, Président du Conseil de la République, député des Basses- Pyrénées
M. Georges Hua (1937-1952), Maître des Requêtes au Conseil d’Etat
M. Marcel Rémond (1952-1967), avocat à la Cour d’Appel
M. Louis Boucheny (1967-1983), ingénieur général des Mines
M. Jacques Piot (1983-1999), président honoraire du Tribunal de Commerce de Paris
M. René Ozout (1999-2001)
M. Jacques Laporte-Weywada (2001-2004)
M. André Beaufils (2004-2005)
M.Jean-Noël Joly (2005-2006)
M. Loïc Conquer (2006-2012)
M. Etienne Téqui 2012
Mgr Buquet, ancien directeur, premier président :
L’abbé Lalanne, directeur, initiateur de l’Association :
Quelques anciens fondateurs :
1. Regardin - 2. Thiéblin - 3. Thionville - 4. Grandjean - 5. Foucher de Careil - 6. Genouille - 7. Hennet de Bernoville.
Grandes armoiries de Stanislas :
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[1] Père G. de Saint Victor, prêche du 2ème dimanche de Carême 2015 à l’église Saint Tomas d’Aquin, Paris.
[2] Condorcet - Rapport [à l’Assemblée nationale]… relatif à l’organisation de l’instruction publique – 20 et 21 avril 1792.