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16.12.2015

Souvenirs de Pierre FOLLIET

Pierre FOLLIET, élève en classe préparatoire à Stanislas de 1959 à 1962, vit actuellement aux Etats-Unis, où il fit une carrière d’architecte. Il se souvient de quelques anecdotes, qu’il publie dans les trois numéros de cette année 2013-2014.

Au Collège Stanislas (Stan), il y avait quelques distractions pour moi, interne en prépa Taupe (1960-1962), pour alléger ce quotidien de travail, de compétition acharnée entre élèves, pour oublier ces mornes traversées de cours de préau en préau, la peur des « colles » et le poids d’un monde en vase clos.

La messe privée, souvenir.

Durant mes années de « taupin », Mgr Mèjecaze, familièrement appelé « Le Mèje », était le directeur du Collège Stanislas et la tradition voulait que les élèves primés soient invités, chacun à leur tour, à servir la messe basse qu’il célébrait tôt le matin au « Pavillon bourgeois » [1]] où il résidait.

C’est ainsi qu’était désigné le petit hôtel particulier, ancienne folie d’Orléans ou hôtel de Silène construit en 1777, la même année qu’une autre folie, celle de Bagatelle. Pour moi, aspirant architecte, ce pavillon était le seul édifice digne d’intérêt parmi l’assemblage des bâtiments anodins, parfois vétustes, badigeonnés en beige clair qui formait l’univers de Stan. Habitant moi-même au bâtiment Montparnasse situé juste en face, je le contournais tous les jours sur le chemin des classes.

De plan carré, isolé par le parc, il était de style néoclassique Louis-XVI, élégant et sobre. Du côté cour, un large portique à colonnes ioniques entièrement vitré s’ouvrait sur un vestibule baigné de lumière, espace étroit et vertical où s’élançait l’escalier à double volée courbe. Du côté parc, un perron de pierre permettait d’accéder à un grand salon de boiseries.
Par les hautes baies vitrées, on pouvait apercevoir l’intérieur aux murs lambrissés, ornés d’une arcature en plein cintre, de pilastres ioniques finement moulurés. Des autels y avaient été ajoutés au cours des années. C’était la chapelle du Collège et c’est là où, à l’aube et à jeun, ayant obtenu le prix de littérature française, je fus invité à servir la messe dite par Mgr Mèjecaze.
J’étais à la fois curieux et exalté. Après la communion et L’Ite missa est, je fus conduit par un petit escalier privatif vers son appartement au premier étage jusqu’à un salon d’angle donnant sur le parc. Là, une table ronde avait été dressée pour le petit déjeuner que nous prîmes en tête à tête. Un serveur stylé, en livrée et gants blancs, s’affairait autour de nous avec discrétion. Cet instant en tête à tête me permit de découvrir et d’étudier en détails le directeur qui était resté jusqu’alors pour moi un personnage important, aperçu de loin pendant les cérémonies officielles qui émaillaient la vie du Collège.
C’était un homme de taille moyenne, au visage carré avec des sourcils broussailleux. D’une affabilité réservée, il semblait fatigué par son âge avancé tout en gardant un sourire bienveillant à mon égard.
Après les échanges d’usage, après avoir, à sa demande, parlé de mes projets d’avenir, j’orientais la conversation vers un de mes oncles, l’abbé Camille Folliet (1908-1945), qui fut un remarquable personnage de la Résistance. Je n’avais aucun souvenir personnel de lui, ayant deux ans lorsqu’il disparut des suites de ses blessures au plateau des Glières, un mois avant l’armistice. Mais pourtant j’avais vu avec émotion une photo de lui, souriant, en soutane noire, grand et maigre, me tenant dans ses bras.
Je connaissais sa vie, j’avais lu ses écrits, Croquis de Prison et Chemin de Croix inachevé, et il était devenu pour moi une sorte d’exemple tant par sa droiture et son courage frisant parfois la folie que par sa générosité de cœur frôlant souvent l’abnégation de soi.

Mgr Mèjecaze écoutait avec intérêt les anecdotes sur l’oncle Camille que je lui racontais. Son visage s’éclaira.
Etait-ce parce qu’elles lui rappelaient une autre époque, un temps d’épreuves et d’action où déjà il dirigeait le Collège avec dynamisme et créait de nouvelles fondations, filiales de Stanislas en France et au Québec ?

Une année plus tard, il quittait la direction du Collège pour laisser les rênes au Père Ninféi, bâtisseur dans l’âme, qui dirigea la radicale rénovation de l’établissement.
Bouleversement. Une sorte de « Cité Radieuse » en béton brut, sur pilotis, remplaça les longues et mornes « casernes » et leurs préaux.
Les rites changèrent et le cérémonial de la messe privée du « Mèje » bascula dans la trappe aux souvenirs…


Pierre FOLLIET
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[1] L’emplacement du bureau de M. Chapellier, du hall et du secrétariat était une chapelle, dont seul le carrelage a conservé la trace [NDLR